A l'heure où tout le monde s'agite autour de Venom, j'ai fait le choix (étrange?) d'opter pour Dilili à Paris qui ne passait que dans un petit cinéma d'arts et d'essais du coin, à une séance où nous n'étions que cinq dans la salle. 1h35 de film passent, temps pendant lequel je suis émerveillé sans interruption. Dilili à Paris nous plonge dans le Paris de la Belle-Epoque, apparemment plus précisément entre 1900 et 1914, dans lequel se produisent de nombreux kidnappings de jeunes filles par un groupe assumé: les Mâle-maîtres (on oubliera pas de voir le homonymie avec Mal-maître, terme peut-être plus parlant). Dilili va alors se lancer, avec son ami Orel, à la recherche d'indices pour découvrir qui sont ces ennemis de l'ombre et arriver, a fortiori, à les vaincre.
Le premier point à noter est que, malgré un film destiné aux enfants, il est clairement plaisant d'avoir affaire à une histoire plus sombre que les derniers films d'animation qui nous sont généralement servis ces dernières années, cette petite touche de glauque qui a de quoi marquer un enfant sans le traumatiser, tout en captivant l'attention d'un adulte. Si le postulat de base du scénario est déjà assez sombre, le film ne tend qu'à le devenir encore plus tout au long du film, pour notre plus grand plaisir. C'est d'ailleurs avec cette atmosphère de plus en plus pesante que Michel Ocelot (Kirikou, Azur et Asmar) installe peu à peu une dimension engagée, féministe, nous montrant que le bonhomme est tout à fait dans l'ère de son temps et qu'il n'est pas là pour rigoler. Son discours est donné, pincettes non-incluses, et qu'il a raison! C'est justement car il choque avec une situation totalement absurde qu'il nous invite à nous questionner sur la situation sociétale actuelle qui assouvit les femmes au rang d'objets et qui, encore pire, les conditionne pour en arriver à ce stade.
Cette histoire, déjà très forte, n'a clairement pas suffi à Michel Ocelot qui nous ajoute notre quota de culture. Notre chère Dilili ne peut en effet pas vaincre les Mâle-maîtres toute seule, et pour l'aider, ni plus ni moins que certaines personnes telles que Picasso, Marie Curie, Proust ou encore Pasteur. Les grands noms de la culture et de l'Histoire se multiplient à l'écran, de sorte que nous attendons toujours quelle célébrité finira par croiser la route de l'héroïne, un suspense à part entière! Ces personnages sont d'ailleurs utiles au message développé par Ocelot car sont présentés comme d'une grande tolérance et d'une grande gentillesse face à cette fillette métisse qui se la joue détective, ce qui permet de contraster avec la médisance et le racisme dont est victime Dilili.
Ocelot ne s'arrête pas une belle histoire, puisqu'il nous fournit aussi de superbes musiques qui interviennent toujours au juste moment et qui sont généralement des musiques diégétiques, apportées naturellement par la présence de célébrités comme Erik Satie ou Emma Calvé et qui sont toutes superbes. Il y a tout de même quelques passages musicaux non-diégétiques, généralement du piano, de l'accordéon, bref du Paris tout craché, du Paris comme on se l'imagine avant d'y aller, un Paris onirique.
Je crois avoir dévoilé tout mon amour pour le film, ne reste que le point le plus important du film, son point fort, là où il surpasse, là où il émerveille: son esthétique. Ocelot décide de mettre ses personnages en 3D (par ailleurs très beaux et bien mieux réalisés que dans Azur et Asmar) dans un Paris en prises de vues réelles. Il a en effet dévoilé dans une interview avec Le Point qu'il avait pris des photos de Paris, qu'il a alors légèrement retouchées pour leur donner un aspect plus pictural. Cette esthétique marque le film d'un fer rouge, car elle vous éblouit en continu, vous plongeant dans des décors somptueux qui ne relèvent ni totalement du réel ni totalement du dessin. C'est simple, j'avais des étoiles plein les yeux.
Dilili à Paris, c'est comment au final? Et bien c'est merveilleux, c'est beau, c'est bon, c'est doux, c'est fort. Dilili à Paris c'est tout ça à la fois, et c'est bouleversant. C'est parfois dur le retour à la réalité après un film comme ça, c'est peut-être le seul inconvénient de ce film.
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