vendredi 28 septembre 2018

CRITIQUE #2 - Un condamné à mort s'est échappé (1956): le vrai Prison Break

Sorti en 1956 et réalisé par Robert Bresson, l'action du film Un condamné à mort s'est échappé se situe en pleine Seconde Guerre mondiale, dans une prison collaborationniste où les prisonniers sont jugés par des Français mais surveillés par des nazis. Dans ce cadre, le personnage de Fontaine (joué par François Leterrier) va tenter de s'évader pour éviter la peine capitale.


Fontaine, seul et enfermé dans sa cellule, trouve chez le spectateur un compagnon à qui raconter son quotidien. Ainsi, aussi rares que soient les occasions de parler, on ne cesse d'entendre sa voix hypnotique par le biais d'une narration très littéraire. Le personnage nous explique donc ses plans d'évasion et commente ses actes, toujours avec une grande simplicité, la voix calme. Fontaine apparaît alors comme un personnage à la frontière entre réalité et fiction, position qui tend à nous rapprocher de lui, à ressentir la peur du personnage qui ne cesse de redoubler d'ingéniosité pour espérer s'enfuir, à perdre le souffle quand un contretemps semble se profiler.

La réalisation est un vrai bijou. Le film se veut lent, et nous le fait sentir: tous les plans durent 20 secondes ou plus, quand la moyenne des autres films est d'environ 6 secondes. L'effet rendu est tel que le spectateur s'immerge dans la monotonie de la prison, sans jamais y succomber totalement, et ce grâce à la voix de Fontaine présente en quasi-permanence. De fréquents fondus enchaînés sont présents pour rappeler le temps qui s'écoule. Ces fondus juxtaposent des moments relativement similaires, souvent dans le même lieu (la cellule) afin de montrer les heures que passent Fontaine à la préparation de son évasion. Le tout est plongé dans un silence que viennent rarement ponctuer des extraits de Mozart, une sorte de rayon de soleil solennel dans une ambiance sonore complètement inexistante dans laquelle les bruits des trains remplis de juifs, ainsi que les tirs des pelotons d'exécution, nous glacent le sang.

Le film passe à une vitesse incroyable et nous happe dans sa narration. En très peu de temps, une familiarité s'instaure avec les personnages (car le film n'est tout de même pas un huis-clos dans la cellule de Fontaine, ce qui permet de découvrir d'autres prisonniers) et chaque dialogue porte en lui une puissance littéraire et philosophique. 

Un condamné à mort s'est échappé reste donc, 62 ans après sa sortie, un film incroyable.



Fontaine (François Leterrier) dans sa cellule

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