samedi 29 septembre 2018

DOSSIER #1 - Nicolas Winding Refn: l'un des plus grands réalisateurs de ces dernières années

Aujourd'hui, 29 septembre 2018, le réalisateur choc de ces dernières années au nom bien trop compliqué pour les Français que nous sommes fête ses 48 ans. En près d'un demi-siècle, qu'a-t-il eu le temps de laisser comme héritage au monde? La réponse est simple: une filmographie incroyable. Avec si peu d'originalité, fêtons donc son anniversaire en revenant sur ses trois derniers films, trois chefs-d'oeuvre du cinéma.


Nicolas Winding Refn


Drive
Vous savez grâce à qui Sir Ryan Gosling a arrêté de faire des films très moyens et grâce à qui sa carrière a été propulsée? Vous l'aurez deviné, remercions Nicolas Winding Refn. C'est bel et bien en 2011, à la sortie du film Drive, que Ryan Gosling a réellement été reconnu comme un acteur de talent, et pour cause! Dans Drive, il incarne un cascadeur automobile/mécanicien/conducteur pour des casses et tente de sauver sa bien-aimée en démantelant le réseau mafieux du coin (démanteler c'est vite dit, disons assassiner les 3/4 des personnes qu'il croisera sur son chemin avec une sauvagerie rare). Malgré ce joli CV, notre personnage ne porte pas de nom, quelquefois surnommé "Gamin", notamment par son patron joué par Bryan Cranston (Breaking Bad, Malcolm), ce qui entoure davantage de mystère le personnage joué par Gosling. Ryan Gosling et Bryan Cranston ne sont évidemment pas les seuls dans ce (déjà) très joli casting, puisqu'on y retrouve Carey Mulligan (qu'on retrouvera 2 ans plus tard dans Gatsby le Magnifique), Ron Perlman (entre autres: Alien, la Résurrection et La Cité des Enfants Perdus) ou encore Oscar Isaac (Star Wars VII, Star Wars VIII, Ex Machina).
Notre cher NWR ne se contente pas d'un casting d'excellence (et un scénario moyen, mais sublimé par le reste), puisqu'à tout cela il ajoute une photographie incroyable signée Newton Thomas Sigel et une bande-originale concoctée par Cliff Martinez, qui ne cessent de nous éblouir autant visuellement que auditivement. A noter que la BO est basée en grande majorité sur des sons d'ambiance plus que sur de véritables musiques, mais ça ne choque pas et les quelques "vraies" musiques sont très bien choisies.
Drive est sanglant, magique, irrespirable, un film dont on ne se lasse pas et qui n'est que le premier film dont il est question aujourd'hui.





2 chansons de la BO de Drive:
Kavinsky - Night Call
College & Electric Youth - A Real Hero


Only God Forgives
Deux années suivirent la sortie retentissante de Drive avant qu'on ne voie un nouveau film de NWR, un film somme toute assez polémique: Only God Forgives. Ce dernier a été décrié, notamment au Festival de Cannes, pour sa violence inouïe qui choqua alors bon nombre de spectateurs. Il est vrai que le film est assez sanglant, pas réellement plus que Drive, disons différemment. En effet, NWR a ici emprunté les codes des films asiatiques, d'abord en plaçant le film en plein Bangkok, mais aussi en usant d'une violence exagérée. Cette violence s'exprime alors par des jets de sang (littéralement) qui marquent une certaine scission avec un réalisme pur, un léger pas en arrière pour que le spectateur soit moins choqué (ce qui n'a apparemment pas réussi à Cannes, mais a fonctionné pour moi). De même pour des scènes plus réalistes (notamment une scène où un personnage se fait crever les yeux en face caméra), où le réalisateur fait le choix de ne pas montrer les éléments les plus atroces et où les trucages sont rendus légèrement plus perceptibles que ce qu'ils pourraient être. La violence est donc très présente dans Only God Forgives, mais est bien mieux gérée que ce qui a pu être dit.
Le cas de la violence réglée, nous pouvons nous attarder sur tout le reste du film. Nous retrouvons encore une fois Ryan Gosling (on ne change pas une équipe qui gagne), cette fois avec un prénom (Julian), en tant que dirigeant d'un club de boxe à Bangkok qui sert de couverture pour un traffic de drogues. Une nuit, son frère assassine une jeune prostituée et le policier qui viendra examiner la scène de crime (incarné par Vithaya Pansringarm) en profitera pour tuer le jeune homme. Tout le film est alors une course-poursuite entre Julian, sur qui sa mère (malsaine au possible) met une énorme pression pour venger son fils tué, et le policier qui cherche à châtier la famille du meurtrier.
Le film est tout simplement sublime, certainement un des plus beaux films qu'il m'ait été donné de voir (merci au directeur photo Larry Smith). Le film se passant en grande partie dans la nuit, de nombreuses scènes utilisent des néons colorés pour instaurer une ambiance aussi étrange qu'intemporelle, entre rêves et réalité. Seule la dernière scène dénote visuellement avec le film, avec une image surexposée et granuleuse, un choix qui semble judicieux pour mettre fin à ce film aux allures contemplatives.
Ce film n'est cependant pas parfait, et on peut plus particulièrement le reprocher au personnage de la mère de Julian (jouée par Kristin Scott Thomas) qui assène des remarques tranchantes, en général avec une connotation sexuelle, qui tend plus à mettre mal à l'aise le spectateur qu'autre chose. NWR est, bien évidemment, un spécialiste du malaise pesant, mais ici le personnage n'apporte rien.
Concernant la bande-originale (encore par Cliff Martinez), elle n'est pas marquante mais la présence d'une chanson très spécifique, chantée par le policier, est sublime et la scène est par ailleurs magnifique.
Only God Forgives, aussi critiqué et critiquable soit-il, reste un film extraordinaire aux nombreuses qualités. Un excellent mélange entre le cinéma américain et le cinéma asiatique.








La fameuse chanson que le policier chante:



The Neon Demon
Le dernier film en date de NWR au moment où ce dossier est écrit est The Neon Demon. Plus complexe que les deux précédents, il est ici question d'une mannequin jouée par la jeune Elle Fanning (Somewhere, Super 8) et qui tente, dans la région de Los Angeles, de se faire un nom dans le milieu du mannequinat. Elle va alors faire des rencontres à la fois utiles et perturbantes, notamment Jena Malone (Donnie Darko) et Keanu Reeves (Matrix), ce dernier jouant ici un gardien de motel très malsain. Si je dis que le film est plus complexe que Drive et Only God Forgives, c'est surtout parce qu'il y a ici, en plus de la dimension purement filmique, une dimension engagée. En effet, NWR profite de The Neon Demon pour dénoncer le milieu du mannequinat, élitiste et dangereux. De plus, le choix d'une actrice aussi jeune (18 ans au moment de la sortie du film) est un moyen de faire passer une critique sur la pédophilie ambiante dans ce milieu, ou au minimum la présence d'une sexualisation trop importante.
La vraie question qu'on peut alors se poser est: en quoi The Neon Demon, une fiction, arrive à être porteur d'un message aussi fort qu'un documentaire? Et c'est là que le génie de NWR intervient. Par son style esthétique tant par la violence qui lui est caractéristique, NWR réussit indéniablement chacun des coups qu'il veut porter à notre morale. Drive et Only God Forgives étaient liés à la violence physique, The Neon Demon est centré sur une violence psychologique. Chaque personnage rencontré semble intéressé par Jesse (le personnage d'Elle Fanning) et, d'une manière qu'on ne saurait expliquer que parce que l'on connait la présence de NWR derrière la caméra, l'innocence de Jesse est décuplée face à une perfidie permanente. Si le film est si puissant et si engagé, c'est parce qu'il extrapole les défauts du mannequinat, parce qu'il ne se contente pas de mettre le doigt dessus, mais parce qu'il nous les jette à la figure. NWR livre ici un film puissant et bien plus violent que les autres films de ce dossier.
On y retrouve encore une image magnifique (due cette fois à Natasha Braier) et une ambiance sonore choisie comme à chaque fois par Cliff Martinez, qui opte cette fois-ci pour un registre électro/trans, une façon de marquer le film d'un rythme hypnotique et illusoire.
Le film est certainement le plus choquant des 3 films présentés ici. Vous n'en sortirez pas indemnes, c'est ce qui montre que la réussite de NWR est totale.







Une musique utilisée dans The Neon Demon:
Julian Winding - The Demon Dance




A travers ce dossier, j'ai tenté de vous faire découvrir un de mes réalisateurs préférés. Il est facilement remarquable que le cinéma de Nicolas Winding Refn n'est pas à la portée de tous. Cette difficulté d'accès, cette sorte d'élitisme, est le reflet d'un cinéma innovant, marquant et choquant. Nicolas Winding Refn a encore de belles années devant lui, et son style s'affine de plus en plus, pour aller vers une violence qui sait trouver les moyens de nous faire du mal. S'il est si bon d'aimer un cinéma qu'on pourrait dire traumatisant, c'est parce qu'il nous offre une expérience inédite et inoubliable et, comme le dit Tyler Durden dans Fight Club: "Il y a un adage qui dit qu'on fait toujours du mal à ceux qu'on aime, mais il oublie de dire qu'on aime ceux qui nous font du mal". Voilà pourquoi j'aime tant Nicolas Winding Refn.

1 commentaire:

  1. Très bon article, je ne suis pourtant pas cinéphile mais il m'a tenu en haleine. Hâte de voir la suite.

    RépondreSupprimer