vendredi 26 octobre 2018

Critique #7 - Capharnaüm (2018): vous reprendrez bien un peu de pathos ?

Capharnaüm, film de Nadine Labaki, a récemment reçu le prix du jury au Festival de Cannes ainsi que deux Golden Orange Awards. Ce film retrace une tranche de vie d'un petit garçon libanais, Zain, à la vie bien chaotique.


Assez intrigué par le film de par sa bande-annonce, et encore plus par le fait de voir les gens en parler (vous entendez souvent parler du cinéma libanais vous?), je me suis finalement décidé à aller voir le film de mes propres yeux pour m'en faire mon avis.

Une beauté singulière
Au visionnage de la bande-annonce, où l'on voyait un garçon déjà marqué par la vie, dire à un juge qu'il attaquait ses parents pour le motif de lui avoir donné naissance, on se doutait déjà que le film ne serait pas léger (mais ça, je l'aborderai dans le partie suivante), mais aussi qu'il aurait sa part de poésie, de beauté. Si on suit Zain dans des périples bien difficiles pour son âge, on le suit aussi dans des moments de rencontres, d'innocence (à noter que ces derniers sont très rares), assez purs lorsqu'on le retrouve en train d'errer dans Beyrouth, à la recherche d'argent, de nourriture et d'espoir. Une poésie accrue par des plans d'une ville qui tombent en lambeaux, et dont Zain semble le représentant, par une image simple mais belle, et par une musique rare et puissante (il aurait été tout de même préférable d'en mettre un peu plus, mais au moins, lorsqu'il y en avait, elle collait parfaitement à l'ambiance). L'évolution du jeune garçon est frappante et colle exceptionnellement bien avec les dégâts que le film fait sur nous. Là est le talent de Labaki, qu'on ne peut que qualifier de bonne réalisatrice car elle arrive à créer un film qui ne peut pas nous laisser indifférents, un film qui nous marque. On voit trop régulièrement des réalisateurs faire le choix d'une image immonde et d'une musique inexistante pour justifier la volonté de réalisme: qu'ils prennent exemple sur Labaki, photographiant Beyrouth sous ses traits les plus sincères, et dirigeant des acteurs méconnus de sorte à les rendre criants de vérité. Le film est beau, vrai, touchant, mais pas exempt de défauts.




La dureté du film
La dureté du film, c'est à la fois sa plus grande qualité et son plus grand défaut. Sans aucun spoil, il est clair que le film est porteur d'une horreur qui monte crescendo, sans jamais s'arrêter, et qui ne fait que choquer. Zain, 12-13 ans, face au reste du monde, voilà le thème du film. La misère, la tristesse, la cruauté, Capharnaüm ne vous épargnera pas et, s'il ne vous met pas en larmes, vous mettra au moins extrêmement mal à l'aise face à des sujets tabous et que personne ne souhaite réellement aborder. Cette horreur sert indéniablement le film (le scénario ne repose que sur ça), dénonce la vie qui attend les populations de pays instables et qui nous remet clairement à notre place de privilégiés. Malheureusement, il y a un point que Nadine Labaki (aussi scénariste du film) n'a pas pris en compte, c'est qu'il faut aussi savoir s'arrêter. Les situations plus catastrophiques les unes que les autres s'enchaînent et se déchaînent sur un gamin qui n'a rien demandé, à qui on ne s'attache même pas plus que ça tant il montre une vulgarité et une violence parfois inappropriées, et qui nous prennent aux tripes lors du visionnage du film, mais nous délaissent dès la sortie pour nous laisser penser un petit "C'était peut-être un peu trop non?". Il est clair que le film raconte des situations véridiques, qui concernent bien trop de monde et qui sont intolérables, mais l'accumulation tend à l'irréalisme tellement il est peu probable qu'un individu subisse tout ça (et personne ne le souhaiterait à quiconque) qui nous détache parfois de l'action sans pour autant nous laisser la conscience tranquille. On se trouve alors face à des moments où l'ennui et l'inquiétude se mélangent, composition assez moyenne pour un film.
De plus, je pense foncièrement que ce film peut (et je dis bien "peut", ce n'est pas inévitable) être dangereux dans un contexte sociétal qui rejette déjà beaucoup les populations orientales, car il ne montre que des personnes malsaines, toxiques, dangereuses et autres qualificatifs peu élogieux, qui apparaissent concrètement comme représentatifs d'un monde qui ne peut que nous dégoûter et nous repousser. A ceux qui le verraient sans être en mesure de prendre du recul, le film dresserait le portrait d'une culture qui confirmerait les dires des plus racistes. Là où la réalisatrice a certainement voulu nous amener à la pitié et donc au respect des populations orientales qui n'évoluent pas dans des cadres aussi privilégiés que ceux occidentaux, il serait plus facile d'y voir une critique du mode de vie oriental (libanais plus précisément dans le film) qui, s'il n'avait pas été réalisé par une Libanaise, aurait pu être perçu comme ouvertement raciste.

Capharnaüm me laisse donc perplexe, clairement pas indifférent mais pas vraiment enthousiaste, où ses qualités semblent être aussi ses plus grands défauts. Faute d'avoir réellement pu éclairer les quelques personnes qui liront cette critique, j'invite les gens à aller voir ce film, à condition d'avoir le coeur bien accroché. 

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